Accueil  >  Blog >   Exposition De Chirico à l'Orangerie

Les rendez-vous culturels chaque semaine

Exposition De Chirico à l'Orangerie

Plongée dans l'inquiétante étrangeté de ces toiles énigmatiques

"Lourde d'amour et de chagrin / Mon âme se traîne / Comme une chatte blessée. / Beauté des longues cheminées rouges. Fumée solide. / Un train siffle. Le mur / Deux artichauts de fer me regardent. [...]" (Poème Mélancolie, 1913, G. De Chirico). Avant d'entrer dans la deuxième salle de l'exposition, nous pouvons lire ces vers, écrits par l'artiste lorsqu'il a une trentaine d'années. Tandis que ses oeuvres sont, à cette époque, reconnues et que certains le considèrent comme un chef de file, ainsi de l'italien Giorgo Morandi, c'est la mélancolie et le désarroi qui semblent l'habiter. Plusieurs motifs récurrents des toiles de Chirico s'y perçoivent également : le chemin de fer, qu'il est possible d'associer à la figure du père défunt, ancien ingénieur ferroviaire dont le souvenir le hante, et les artichauts.  Aussi ces vers synthétisent-ils l'univers du peintre, la juxtaposition d'images hétércolites conférant aux toiles, en dépit de leur caractère énigmatique, une dimension onirique. L'exposition proposée par le musée de l'Orangerie permet aux visiteurs de découvrir les oeuvres de la jeunesse et de la maturité de cet artiste d'origine italienne à la culture cosmopolite, entré sur la scène parisienne par le biais du collectionneur et marchand d'art Paul Guillaume. De nombreuses esquisses sont présentées dans les salles et permettent de découvrir la manière dont Giorgio de Chirico préparait ses toiles, utilisant la méthode traditionnelle du quadrillage. Peut-être s'agit-il d'ailleurs du seul élément qu'il a gardé de sa formation aux Beaux-Arts de Munich, qu'il n'hésite pas à renier (par exemple en modifiant intentionnellement les portées des ombres, faisant fi de perspectives qu'il sait assurément maîtriser) et dont il se moque allègrement, comme dans la toile Le Vaticinateur. Après des années d'expérimentations métaphysiques imprégnées de ses lectures freudiennes, le peintre souhaite cependant effectuer un "retour au métier", autrement dit un retour à la peinture classique, incarné par l'une des toiles de la dernière salle de l'exposition : Les poissons sacrés. Ce revirement de style cause une rupture totale avec les avants-garde, qui y voient, André Breton en tête, une trahison. Ainsi De Chirico n'embarque-t-il pas dans l'aventure surréaliste et tente-t-il de faire vivre la peinture académique. Mais il s'agit ici d'une autre période de sa vie, que le musée de l'Orangerie laisse (pour l'instant) dans l'ombre.