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De l’art d’être un bon faussaire

Quelques conseils de notre historienne de l’art et juriste Clémentine Hébrard

Ils fascinent le grand public et terrorisent le marché de l’art, ils œuvrent dans l’ombre mais cherchent la lumière des projecteurs... Dans une conférence passionnante, l'historienne de l'art Clémentine Hébard nous a révélé les secrets de quelques illustres faussaires ! Ce sont trois personnages tout droit sortis d'un roman policier : Wolfgang et Hélène Beltracchi, ainsi que leur père spirituel Han van Meegeren, qui peignait des Vermeer mieux que Vermeer lui-même... Secrets de fabrication, arguments de vente et récits incroyables, notre historienne nous a livré tous les éléments pour se lancer dans les pas de ces bonimenteurs de génie !

Pour les ambitieux et les artistes en herbes, voici donc quelques conseils pour devenir un bon faussaire. Et pour plus de découvertes à propos des plus grands procès de l'art, Clémentine Hébrard vous propose trois dernières séances consacrées aux vols d'oeuvres d'art, au street art ou aux cadavres dans les musées !

 

  • Un peintre à la vie mystérieuse :

Han Van Meegeren, l'un des faussaires les plus célèbre de l'histoire de l'art, a bien suivi cette leçon. Au début des années 1930, il se lance dans la création de faux Vermeer. On ne sait pas grand chose de ce maître de la peinture flamande. Sur le fameux Sphinx de Delft plane un mystère difficile à percer : seuls 34 tableaux lui sont attribués avec certitude, on ne sait quasiment rien de sa vie et de sa formation. Quand Van Meegeren commence à découvrir des tableaux miraculeusement conservés du maître, les experts européens s'extasient, et sa première oeuvre est même acquise par le musée Boijmans de Rotterdam, sur souscription publique et payée par les contribuables du pays !

 

  • Devenir un autre soi-même :

Se mettre dans la peau du peintre, entrer dans son univers pour créer de toutes pièces de nouveaux chefs-d'oeuvre. Hélène et Wolfgang Beltracchi, les « Bonnie and Clyde du Pinceau » l'ont bien compris. Wolfgang Beltracchi, aux talents de copieur indéniables, n’a pas créé des faux d’un seul peintre, mais d’une centaine. En plus d’une carrière reconnue en tant que peintre, il se glisse à l’envi dans la peau d’autres artistes du passé. Pour créer de nouvelles oeuvres d'un artiste, il s'imprègne de son histoire, du contexte de création, de ses manies de créateur. Mais le faussaire explique à ses juges qu'il sait aussi quand s'arrêter et quand une oeuvre résiste à son intrusion.

 

  • Attention aux anachronismes !

Ne pas créer des faux d'artistes contemporains se comprend aisément, mais créer des faux d'époques trop lointaines n'est pas si simple également ! Les matériaux et pigments utilisés, ainsi que le passage du temps sur l'objet sont des obstacles que rencontre le faussaire. Han Von Meegeren roulait ainsi ces faux Vermeer pour imiter les craquelures d'un tableau du XVIIe siècle. Les couleurs et produits modernes sont un écueil par lequel Wolfgang Beltracchi a sombré : en 2010, des traces imperceptibles de blanc de titane sont révélées sur le Tableau rouge avec chevaux à la manière d’Heinrich Campendonk de 1914, alors qu'on n'utilise ce pigment qu'à partir de 1920 en peinture.

 

  • Problème d'ego :

L'ego du faussaire est son pire ennemi : artiste de talent mais obligé de rester dans l'ombre pour le succès de son entreprise illégale, le faussaire ne jouit pas de la renommée de ses oeuvres. C'est l'ego qui a poussé Von Meegeren dans une carrière de faussaire, c'est aussi lui qui l'a trahi : après avoir fait affaire avec Göring et le gouvernement nazi en pleine guerre mondiale, le peintre se trouve précipité dans un procès retentissant, lui qui a vendu des chefs-d’œuvre de Vermeer à l’ennemi. Pour éviter la peine capital, il révèle la supercherie et propose de peindre devant un public attentif un tout nouveau Vermeer ! Pour Hans von Meegeren, c'est la fin de sa lucrative entreprise, mais c'est également le début de la gloire. Von Meegeren se présente alors en génie pourfendeur de l’hypocrisie et de l’incompétence du monde de l’art. Il est d’ailleurs la deuxième personnalité préférée des Néerlandais de l’époque ! Il ne profite pas longtemps du succès, et meurt d’un arrêt cardiaque en prison, moins d’un an après son procès.

 

Et si vous voulez vous replonger dans l'oeuvre, authentique cette fois, des plus grands artistes de la Renaissance, retrouvez notre cycle de conférences en ligne Les Génies de la Renaissance, qui débute le 15 mars !