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Je vous dirai les fleurs bleues …

Wladyslaw Strzeminski. Pokiwodi. Katarzyna Kobro. Tout cela c’est du chinois ? Aujourd’hui la rédac’ de Des Mots et Des Arts vous parle en fait russe et polonais, à l’occasion de la sortie du film d’Andrzej Wajda.

Les fleurs bleues, c’est l’histoire d’une partie de la vie du peintre Wladyslaw Strzeminski, avant-gardiste. Il n’est effectivement pas question de son passé d’officier - il est amputé de deux membres pendant la Première Guerre mondiale - mais bien de sa réaction au régime communiste.
Ce sont alors deux théories de la peinture et de l’art qui se déchirent. Staline impose à ses artistes le « réalisme socialiste » : ils se doivent de présenter la réalité concrète et véridique afin d’éduquer les travailleurs à être de bons socialistes. Pas question d’explosion de couleurs pures comme le bleu, le jaune ou le rouge. On comprend bien alors le titre du film, qui fait donc référence à ces couleurs « interdites » ; on comprend mieux le décalage avec le titre d’origine, « Powidoki » que l’on pourrait traduire par « persistance rétinienne ». De son côté, le peintre polonais refuse toutes formes de figuration et même d’abstraction, trop évocatrices. Ses oeuvres ne représentent rien, elles ne sont pas là pour émouvoir ni symboliser (le parti, le pouvoir). Elles ont de la valeur en tant que telles, planes et homogènes : c’est l’unisme. Lorsque Wladyslaw théorise sa pratique (1928), il est alors un artiste de l’avant-garde reconnu, ayant côtoyé Malevitch et officiant en tant que professeur. En 1945, il devient maître de conférences à l’École nationale supérieure des arts plastiques de Łódź dont il est également le fondateur. 
Une année plus tard, tout bascule. La République populaire se met en place en Pologne. En 1950, Wladyslaw est licencié de son École, on lui reproche notamment de ne pas respecter les codes picturaux du « réalisme socialiste » évoqué plus haut. Il mourra deux ans plus tard, dans la misère et pourtant toujours admiré de ses étudiants. Ce n’est qu’au moment du générique que les couleurs pures explosent enfin, celles plébiscitées par le peintre et sa femme Katarzyna Kobro, connue pour ses sculptures abstraites faites de métal et de bois ou ses nus d’inspiration cubiste.
Maud Luca